1/ Sommes-nous en crise ?
Non, notre génération a la formidable chance de vivre une extraordinaire période de mutation telle qu’il ne s’en est pas produite depuis… 600 ans, c’est-à-dire lors de la Renaissance. Des trois piliers qui sous-tendaient ce temps, deux sont aujourd’hui à nouveau réunis : le foisonnement des découvertes techniques et technologiques et de nouvelles routes maritimes. Seul tranche le troisième fondement : le fantastique élan, allant, de la Renaissance a été sous-tendu par cette vision optimiste de l’homme et de l’univers, qu’était « l’humanisme »… alors qu’aujourd’hui, et ce tout particulièrement en France, nous sombrons dans la sinistrose, la défiance, la peur et l’enfermement. C’est dans notre esprit et notre cœur, générant une certaine manière d’être et d’avoir que se situe le véritable défi…
2/ La France est comme « ratatinée »
Non, jamais de toute notre histoire, même à l’apogée de la période napoléonienne elle n’a été aussi grande qu’elle l’est depuis 1994. 1994, c’est-à-dire depuis l’application des accords de Montego Bay qui créent ce que l’on appelle dans le jargon juridique des ZEE – zones économiques exclusives. Tout pays bordier de l’océan dispose, en plus de ses eaux territoriales d’une bande de 200 miles marins – soit 372 kilomètres – dont il est, en surface comme dans ses fonds, pleinement souverain au plan économique. La France est ainsi devenue le second domaine maritime de la planète, tout juste derrière les Etats-Unis, et loin devant l’Australie qui est en troisième position… ce qui nous ouvre, ainsi qu’à l’ensemble de l’union Européenne, des opportunités à profusion…
3/ La France, L’Europe et l’Occident semblent être de plus en plus sur le banc de touche d’une économie monde qui s’est déplacée en Asie ?
Non, le passage du nord-ouest et plus encore le passage du nord sont en train de créer une nouvelle donne très favorable à l’occident en permettant le désenclavement du nord Canada et surtout de la Sibérie. C’est un nouveau monde géoéconomique qui est entrain de se mettre en place.
4/ Le 21e siècle sera le siècle de la soif et l’ONU aurait répertorié 300 conflits potentiels résultant du manque d’eau douce
Oui, si nous ne réglons pas la question de l’énergie, car si les eaux douces ne représentent que 2,5 % des eaux de la planète… Il va donc nous falloir avoir recours aux eaux marines, elles qui sont de surcroît bien réparties, mais leur dessalement nécessite de l’énergie.
5/ La mer peut-elle nous fournir de l’énergie ?
Oui précisément. Elle nous offre un potentiel considérable que l’on ne fait qu’entrevoir. L’énergie thermique des mers, entre autres procédés, et notre pays est aujourd’hui celui qui est le plus en pointe sur cette technologie d’avenir, devrait bientôt permettre à la mer de donner aux zones tropicales de l’énergie et même l’énergie nécessaire pour dessaler ses eaux afin de pallier au manque d’eaux douces dont ces contrées ont besoin.
6/ …et nous aider au plan alimentaire ?
Certainement. Imaginez qu’aujourd’hui le milliard deux cent millions de vaches que représente à lui seul le cheptel bovin provoque plus de gaz à effet de serre que l’ensemble du transport mondial. La demande accrue en protéines des pays émergents et la croissance démographique pour répondre aux besoins protéiniques nécessiteraient deux milliards de vaches dans 10 ans, en 2025, ce qui ne pourrait aboutir qu’à faire exploser la planète. L’aquaculture, les algues, dont certaines ont 67% de protéines sur poids sec, offrent de ce point de vue de formidables perspectives et pourraient permettre, à condition que l’on s’en donne les moyens, d’éradiquer la malnutrition.
7/ De la même manière, la mer au plan de la santé et du bien-être va nous permettre de vivre mieux
8/ Mais notre pays n’est pas tourné vers la mer…?
Parce qu’on ne lui en parle pas suffisamment. Dès que la mer est au rendez-vous, que l’on pense au Vendée Globe, à l’émission Thalassa, aux manifestations de Grands voiliers… nous répondons massivement présents. Les Français s’intéressent enfin et de plus en plus à la mer. Notre pays dispose d’ailleurs maintenant de formidables fleurons dans le domaine maritime ce dont nous n’avons pas encore conscience et qui représentent une valeur supérieure à l’industrie automobile, ou encore aux secteurs aéronautique ou bancaire. La mer est le meilleur moyen pour restaurer l’emploi et la croissance… encore faut-il une politique maritime, ce qui n’est hélas toujours pas le cas.
9/ En quoi le maritime peut-il tirer l’emploi ?
Le chômage procède dans une large mesure du manque de compétitivité de notre pays. Et ce manque de compétitivité résulte, ce que l’on ne dit jamais parce que semble-t-il on n’en a pas même conscience, parce que nos ports sont des culs de sac. Sait-on que les 2/3 des biens que nous importons et exportons passent par Anvers, Hambourg ou Rotterdam ? Pire : un conteneur sur deux qui rentre ou qui sort de la région Paca passent également par Anvers, Hambourg ou Rotterdam… Comment être compétitif dans ces conditions quand l’acheminement d’un bien de Shanghai à Anvers coûte quatre fois moins cher que de l’acheminer depuis ce port dans l’ouest de la France et à plus forte raison dans le sud de la France. C’est toute la compétitivité des entreprises de notre pays et plus encore celles de la moitié sud qui est ainsi plombée parce que nos deux premiers ports, Le Havre et Marseille, sont insuffisamment reliés à l’intérieur du pays par manque d’infrastructures ferroviaire et fluviale. Une situation qui renchérit pour beaucoup la valeur de nos produits et grève notre pouvoir d’achat.
10/ Ne risque-t-on pas après avoir surexploité la terre de surexploiter la mer ?
Les 237 experts réunis il y a quelques années dans le cadre de Grenelle de la mer ont bien montré que s’il y a un secteur où il est aisément possible de concilier développement économique et développement durable permettant de générer ce que j’appellerai un « développement désirable », c’est bien le domaine maritime qui contient « la quasi-totalité des solutions ». Encore faut-il pour cela qu’il y ait un politique maritime en France, comme au niveau européen…
Tout est possible, tout est ouvert à condition que chacun d’entre nous cesse de regarder le verre à moitié vide pour entrevoir le verre à moitié plein. Il est temps de mettre le cap sur l’avenir !
Christian Buchet, Directeur du Centre d’études et de recherche de la mer de l’Institut catholique de Paris.
Il a publié « Cap sur l’Avenir ! A contre-courant les raisons d’être optimistes » aux Editions du moment, Paris 2014.
Source : http://www.huffingtonpost.fr/christian-buchet/10-raisons-detre-optimistes-grace-a-la-mer_b_4678947.html
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Puisqu’il est question de mer dans cet article, rappelons cette citation :
Le pessimiste se plaint du vent,
L’optimiste espère qu’il va changer,
Le réaliste ajuste ses voiles.
La bonne nouvelle est qu’on peut être à la fois optimiste… et réaliste !
Tout à fait d’accord, habitant en Bretagne près de la mer, je ressens cette potentialité a travers les actions qui sont entreprises mais pas encore suffisamment connues du grand public.
A nous et pour nos enfants de savoir reconnaître, exploiter et respecter ce qui nous est offert.