L’optimisme est plus que jamais d’actualité. Loin d’être une idée naïve, c’est un combat de tous les jours qui invite à l’action pour changer de regard sur le monde et coconstruire demain.
Rencontre avec Thierry Saussez, fondateur du Printemps de l’optimisme.
L’optimisme est-il une valeur ou un état d’esprit ?
Les deux ! En fait, c’est même plus qu’un état d’esprit. Pour 80% des Français, c’est une hygiène de vie. Cela signifie qu’ils le pratiquent, mais que l’optimisme nécessite que l’on fasse des efforts, que l’on s’entraine et que l’on recherche tout ce qui est positif pour notre propre équilibre.
Pourtant, on dit que les Français sont pessimistes…
Ce qui est très intéressant, c’est que d’après notre baromètre, à peine 3 à 4 % des Français considèrent que l’optimisme est une attitude indécente. Or, quand je porte le sujet dans les grands médias, on m’accueille souvent un peu mal en me disant que l’on ne peut pas parler de tels sujets en France ! La contradiction fondamentale des Français, c’est la différence entre leur capacité à être optimistes à titre personnel et pessimistes à l’échelle de la société.
Tout de même, comment peut-on rester optimiste en écoutant les médias ?
Lorsque vous demandez aux Français quelle est leur émission préférée, ils vous répondront facilement Thalassa, mais en vrai, ils regardent Esprit criminel. Je pense que les Français adorent toutes ces horreurs car cela les convainc une fois pour toute qu’ils sont formidables : s’ils s’en sortent dans ce monde hostile, noir et effrayant, c’est qu’ils sont extraordinaires. Plus on déprime le collectif, plus on hausse le niveau de performance individuel. C’est ce que dit Jules Renard : « Il ne suffit pas d’être heureux : encore faut-il que les autres ne le soient pas. ».
Les médias ont une responsabilité énorme dans l’influence du moral collectif. Certains prennent des initiatives positives, mais ils ne sont pas assez. Aujourd’hui, c’est encore très en vogue de dénigrer l’optimisme. Par exemple, le journal de Jean-Pierre Pernaut, dont on se moque tant, en fait, c’est un journal positif car il montre des actions positives locales dans toutes la France.
Vous disiez que l’optimisme est avant tout une hygiène de vie, mais pour aller plus loin, peut-on dire aussi qu’il porte des valeurs ?
Tout à fait, et ce sont ces valeurs que l’on cherche à décliner partout en France avec le mouvement du Printemps de l’Optimisme. Je citerais comme grandes valeurs de l’optimisme l’engagement, la bienveillance, l’audace, la créativité et la tolérance. Elles libèrent de l’énergie qui mène à l’action.
Justement, vous insistez sur l’idée que l’on ne peut pas être pessimiste si on agit. Pourquoi ?
Le pessimisme, c’est un renoncement, un repli. Le pessimiste va penser que tout est foutu et se demander à quoi bon agir. On peut tous avoir des chutes de moral à un moment, entendons-nous bien, mais si on choisit de les dépasser, on est forcément dans l’action et donc optimiste. Le pessimiste ne se respecte pas car il choisit de ne pas utiliser pleinement sa capacité à bouger, que ce soit par son corps ou par ses capacités intellectuelles. Or l’absence de respect amène à ne pas respecter les autres, on nie donc l’idée même de vivre avec les autres et, pour partie, au service des autres.
Fondamentalement, que pense un optimiste ?
Tout optimiste pense qu’il a des marges de manœuvre. Au cours de ma vie professionnelle, j’ai compris que rien ne va jamais aussi bien qu’on le pense et rien ne va jamais aussi mal qu’on le croit. Quand ça va bien, ne dormez que d’un œil, car ça se mérite au quotidien. Et quand ça ne va pas, sachez que vous pouvez agir pour faire changer les choses.
Pour être optimiste, quels sont les travers de pensée qu’il faut réussir à éviter ?
Ne vous livrez pas aux trois grandes maladies humaines qui sont très en vogue en France : l’exagération des risques et des souffrances, la victimisation et la recherche de bouc-émissaires. Elles ont en commun de dégager la source du malheur vers l’extérieur et de ne pas amener à se remettre en cause. C’est pour cela que l’optimisme se gagne tous les jours : il vous oblige à vous regarder. Il ne nie pas les erreurs que vous faites ou les coups de déprime, de stress ou d’angoisse que vous pouvez avoir, simplement il cherche toujours à les équilibrer avec des nouvelles positives.
Il y a un lien très fort avec la psychologie positive dans vos propos…
On connait désormais l’impact positif des pensées positives dans notre organisme via les neurotransmetteurs qui s’animent et les hormones qu’elles déclenchent. Franchement, se réjouir des petites choses du quotidien, ça ne coûte pas cher et ça fait du bien, pourquoi s’en priver ? Vous ne pouvez pas rester, comme un lapin tétanisé face aux phares d’une voiture, piégés par les mauvaises nouvelles et ce qui est triste. Regardez ce qu’il y a de beau autour de vous. Il y a partout et tout le temps de jolies choses à voir, si on se donne la peine de les chercher. On peut aussi chercher à exprimer sa gratitude envers le plus de monde possible au quotidien, lancer des conversations positives et non basées sur la râlerie ou encore multiplier les occasions de sourire et de rire. On sous-estime encore trop la puissance du rire pour notre bien-être !
Comment expliquer l’engouement actuel pour la psychologie positive ?
Je pense qu’il y a une énorme attente de contre-champ dans la société française. Les Français ont au fond d’eux conscience qu’ils en rajoutent dans leur discours en matière de pessimisme. Ils ne sont pas dupes et ne souhaitent finalement pas aller trop loin dans cette logique, car cela plombe le climat général et n’apporte rien de bon.
La solution, c’est donc l’engagement des citoyens ? N’y a-t-il plus rien à attendre des politiques ?
On a un problème avec les politiques : ils ont peur de parler d’optimisme, car ils imaginent que les Français penseraient qu’ils ne connaissent pas la réalité de leurs vies, leurs difficultés, leurs galères. Il y a une sorte de défiance envers l’optimisme, pas seulement des politiques mais aussi des patrons. En réalité, cela ne fait qu’entretenir le cercle délétère du pessimisme. Il ne s’agit pas de tomber dans l’optimisme béat, mais d’assumer une vision positive et ouverte de la France.
Peut-on être un militant de l’optimisme ?
Il faut l’être ! On en compte déjà des milliers, et lorsque le Printemps de l’Optimisme aura fusionné avec la Ligue des Optimistes de France [NDLR : projet en cours], on sera plus de 25 000 dans toute la France. Ce sont autant de personnes qui souhaitent relayer le message de l’optimisme. A mon avis, c’est une armée qui est en train de se lever et cela peut aller beaucoup plus loin. Avec un peu de temps et de moyens, je ne doute pas que l’on puisse vite arriver à 100 000 militants de l’optimisme !
Concluons en pensant à demain. Êtes-vous êtes optimiste pour la jeunesse ?
Oui, et pour deux raisons. Les jeunes ont un rapport beaucoup plus décomplexé à l’argent, or l’argent est une des causes de la défiance collective : on l’adore, on le redoute, on le déteste, on envie ceux qui en ont… Par ailleurs, les jeunes n’ont pas peur du monde. Contrairement à leurs parents, la mondialisation n’est pas un problème pour eux. Tous les jours le monde vient à eux, ils sont donc totalement ouverts. Cela fait deux clés importante de l’anxiété française que les jeunes n’ont pas. Et par-dessus, c’est la première génération qui a autant à nous apprendre que nous pouvons lui apprendre. Ne jouons pas aux « vieux cons » avec les jeunes, entamons le dialogue !
Propos recueillis par Claire Sejournet, Féminin Bio
Source : http://www.femininbio.com/agir-green/actualites-nouveautes/thierry-saussez-printemps-optimisme-2017-88103
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