L’optimisme selon Jean-Luc Nancy

Le philosophe Jean-Luc Nancy est décédé le 23 août dernier à l’âge de 81 ans.
En 2013, Le Nouvel Obs l’avait sollicité pour parler de l’optimisme. Par Eric Aeschimann.

Le Nouvel Observateur : à l’origine, l’optimisme désigne un courant philosophique.
Jean-Luc Nancy : Le mot a été forgé au milieu du XVIIIe siècle à propos du système philosophique de Leibniz, pour qui les hommes vivaient dans le meilleur des mondes possibles (ce qui, vu l’état réel du monde à l’époque comme aujourd’hui, suppose un fond pessimiste !). Voltaire, on le sait, s’en est moqué dans « Candide ou l’optimisme ». Mais, au-delà de Leibniz, il s’agissait de traduire l’apparition d’une nouvelle conception de l’homme tournée vers l’avenir : l’horizon de l’humanité, désormais, c’est le progrès irréversible et prévisible. L’optimisme est donc une prise de position sur l’avenir, par exemple celle de Kant dans son projet de « paix perpétuelle ». Une vision inséparable d’une conception linéaire du temps. Or, aujourd’hui, nous sommes sortis de l’histoire linéaire. Nous avons rencontré l’imprévisible.

L’optimisme a-t-il une valeur politique ou éthique ?
Dès qu’il y a des « isme », on est sur la mauvaise pente. Ce suffixe revient toujours à figer une signification et à stopper la réflexion. A cet égard, le pessimisme et l’optimisme sont deux façons jumelles de vouloir maîtriser le mouvement continu de la réalité, de lui donner un sens global et définitif, de le soumettre à une projection. Néanmoins, si le pessimisme est clairement névrotique, l’optimisme, lui, peut espérer ne pas l’être toujours. Mais à certaines conditions. Faire preuve d’optimisme peut être un acte de courage, cela dépend du ton et du contexte. Dire à quelqu’un en phase terminale « Sois optimiste » n’est pas une bonne idée.

Quelles sont les conditions d’un bon optimisme ?
L’optimisme ne doit pas être mécanique ou systématique. S’il s’agit seulement de faire la leçon au pessimiste, ce n’est pas très intéressant. Par exemple, lorsque François Hollande nous dit : « tout va bien, rassurez-vous, ne manifestez pas, ne protestez pas », son optimisme laisse sceptique (mais c’est une stratégie). On se demande s’il nous prend pour des idiots. Le néolibéralisme fonctionne depuis quarante ans sur ce schéma : laissez-nous faire et tout ira bien. Mais l’optimisme prend sa valeur quand il pousse à agir. Non pas sur le mode du militantisme à l’ancienne, projeté dans le futur et qui ignore ou écrase le présent ; mais en tant que disposition à agir et à réagir. L’optimiste est sur la brèche, dans la tension du moment. Il pense qu’on n’est pas forcément condamné mais que si on veut que ça aille mieux, il faut se remuer. Il s’agit plus d’énergie que d’« optimisme ».

Et l’optimisme au mauvais sens du terme, c’est quoi ?
Celui qui consiste à imaginer comment le monde sera dans cent ans. Se forger des certitudes sur le futur est une habitude contractée au XVIIIe siècle. Je crois que c’est devenu le meilleur moyen de fabriquer du pessimisme. Ainsi, face à ce que nous vivons aujourd’hui et qui ressemble clairement à une fin de civilisation, l’optimisme (forcément « béat ») assure qu’il n’y a pas à s’en inquiéter. Et le pessimisme (toujours « foncier ») clame que tout fout le camp. Tous deux prétendent savoir ce qui va se passer. Or il existe une tierce position, celle de Nietzsche, qui consiste à discerner, en soi et autour de soi, les points de force, à s’appuyer sur eux en gardant à l’esprit qu’on peut échouer. Dire oui à la vie, non en aveugle, mais armé de la confiance que des événements viendront. Un exemple que me suggère mon expérience de greffé du cœur : la médecine s’apprête à recourir à des cellules souches ou à des organes artificiels pour éviter les greffes. Est-ce un motif d’optimisme ? Je répondrai : oui, si l’on anticipe la part de risque, si l’on est prêt à supporter les échecs.

Sartre aussi, à sa façon, a incarné une forme d’optimisme ?
Oui, mais son optimisme ne se fonde pas, comme au XVIIIe, sur une intelligibilité du processus historique. Sartre croit aux structures et pense qu’il faut les laisser s’opposer et se composer entre elles. En ce sens, à côté de l’activisme, il y a une part de passivité nécessaire : il faut être disponible à ce qui vient du dehors, admettre qu’on ne maîtrise pas tout. C’est un problème qui se pose avec une acuité particulière aux gens de gauche. Il y a cinquante ans, on vivait dans la certitude que la révolution allait survenir ; aujourd’hui, nous ne maîtrisons plus cette notion.
C’est donc le moment d’être ouvert aux possibles, tout en continuant à se battre pour l’impossible. S’ouvrir à l’impossible (voyez Bataille ou Derrida), ce n’est pas tomber dans le délire, c’est excéder les calculs et les projections. C’est savoir qu’on ne sait pas ce qui est possible et que « seuls les rêves peuvent exister vraiment », comme disait le poète Ezra Pound.

Entretien paru dans « Le Nouvel Observateur » le 19 septembre 2013.

Bio express : né en 1940, Jean-Luc Nancy a enseigné la philosophie à l’université de Strasbourg. Proche de Jacques Derrida, dont il partageait l’intérêt pour Heidegger, il a publié de nombreux livres, dont « l’Intrus » (2000) où il raconte sa greffe du cœur, et « Vérité de la démocratie » (2008).
Eric Aeschimann

Source : https://www.nouvelobs.com/idees/20210824.OBS47828/jean-luc-nancy-est-mort-il-nous-avait-parle-de-l-optimisme.html

ÉVÉNEMENTS ET MANIFESTATIONS POSITIVES

• Mardi 5 octobre à Valbonne : conférence « Cultiver et booster votre optimisme ! » par Mylène Lavialle au Village By Crédit Agricole Provence Côte d’Azur.
Oui, ce tempérament se développe ! Les nombreuses études en psychologie positive et les neurosciences nous proposent un regard différent pour développer notre optimisme, si utile dans cette période riche en transformation
Envie de comprendre le fonctionnement de l’optimisme, ses apports notamment sur le bien-être et la performance et d’explorer des clés concrètes pour vous engager et le mettre en pratique dès demain ?
Conférence en présentiel dans l’auditorium de Le Village By Crédit Agricole Provence Côte d’Azur, rue Claude Daunesse, 06560 Valbonne le mardi 5 octobre de 12h à 14h.
En savoir plus : conference-cultiver-et-booster-votre-optimisme-le-5-octobre-a-valbonne/
Inscription gratuite : http://swll.to/KBkPL

• Mercredi 6 octobre à Lyon : « La contagion du bonheur« , une conférence ludique animée par Franck Martin.
Rejoignez-nous le mercredi 6 octobre 2021 à 19h au CAMPUS HEP Lyon, 47 rue du Sergent Michel Berthet, 69009 Lyon
Franck Martin est un entrepreneur, dirigeant du cabinet de conseil et de formation en management Congruences, auteur prolifique de livres sur l’humain, l’optimisme, la gentillesse qu’il prône parfois à contrecourant dans les entreprises !

En appui de la sortie de son dernier livre du même nom, Franck s’interroge sur la contagion du bonheur : combien d’entre nous se sentent réellement heureux, à la maison en famille, entre amis, au travail ? Combien d’entre nous ont la sensation d’avoir trouvé une vie dans laquelle grandir, s’élever au vrai sens du terme ? Malgré les efforts des journées qui s’enchainent, combien d’entre nous ressentent cette fatigue saine que nous vivons après l’effort d’un bon moment de sport par exemple, celle qui vous a à la fois vidé, mais rechargé ?

Détails de la soirée : conference-la-contagion-du-bonheur-le-6-octobre-a-lyon/
Lien d’inscription : https://www.weezevent.com/-4537

• Jeudi 14 octobre à Vannes : Atelier Écriture
Nous avons la joie d’accueillir la @maison.pucci pour animer notre prochain #atelier #inspirant #liguedesoptimistesdevannes
L’écriture comme cadeau… ou le bonheur d’écrire ou de recevoir quelques mots #delicatesseenpapier
En savoir plus : atelier-ecriture-le-14-octobre-a-vannes/
À vos agendas : jeudi 14 octobre 2021 de 19h30 à 21h30
Une adresse unique et intime : Bar à vins L’antidote, 5 rue Briseux à Vannes
15 euros avec planche apéro pour partager ce joli moment.
Lien pour s’inscrire : https://www.weezevent.com/l-ecriture-comme-cadeau-atelier-inspirant
Nombre de places limité

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