Je suis toujours étonné de voir mon ami Luc Ferry s’acharner à condamner la psychologie positive et le développement personnel comme il vient encore de le faire dans ces colonnes du JDD. Est-il raisonnable d’en faire une des causes qui menacent l’Occident, tendent à « déconstruire tout ce qui ressemble à un effort collectif » ?.
Le philosophe appuie son raisonnement sur celui du seul écrivain, Fabrice Midal, qui nous invite à devenir narcissique . Il en déduit abusivement que « l’injonction à devenir narcissique est devenue le leitmotiv de notre temps». Il pratique l’amalgame, ignore les ouvrages sérieux consacrés à l’optimisme, les philosophes, de Mathieu Ricard à Charles Pépin, toute cette école dont je fais partie qui refuse l’optimisme béat porté par les extrémistes de l’optimisme et promeut un optimisme lucide, celui qui est construit sur des valeurs positives que partage pourtant Luc Ferry.
Le débat n’est pas nouveau entre bonheur et optimisme. Il est vrai que le bonheur se vend bien. Il est certain qu’il a ses charlatans et ses boutiquiers. Dans la grande compétition des hommes, des idées, des produits, le marché de l’individu est très exploité en promettant à tous de devenir des winners. On y apprend qu’il ne faut compter que sur soi-même, que chacun est seul responsable de son succès. Ce sont des balivernes. Puis-je faire remarquer à Luc Ferry qu’en dix ans de conférences au Printemps de l’Optimisme, qui ont rassemblé la quasi-totalité, y compris lui-même, des philosophes, pas une fois je n’ai entendu ce genre de balivernes. Au contraire, nous ne cessons de rappeler que ce qui nous fait progresser c’est le regard des autres, le travail en commun, la qualité des interactions collectives, le moi-nous : je progresse, je me réalise en connexion avec les autres.
Nous pouvons donc convenir que le bonheur est une notion très personnelle et qu’il existe des moments de bonheur plutôt qu’un état général qui conduirait à une euphorie permanente peu recommandable, alors que nous savons que rien ne va toujours bien mais également que rien ne va toujours mal comme le pensent les pessimistes. Il ne doit pas y avoir de confusion avec l’optimisme qui peut et doit être une hygiène de vie, une recherche de simple équilibre personnel, afin de ne pas être obsédé uniquement par ce qui va mal, ce qui est moche, triste, effrayant pour, sans rêver d’un monde plus beau qu’il n’est, orienter notre regard vers ce qui est beau, positif, ce qui fonctionne, les traceurs, les créateurs, les innovateurs, toutes ces initiatives foisonnantes qui viennent tous les jours du terrain. Dans son magnifique livre, « La société de confiance », Alain Peyrefitte nous a enseigné que le développement d’une personne ou d’un peuple ne dépend pas seulement de critères rationnels, pour une personne, la formation ou la culture, pour un peuple, ses ressources ou son climat. Mais aussi de sa psychologie et de son moral.
Il y suffisamment de mauvaises nouvelles, de prophètes de malheur, de raisons d’être inquiet pour ne pas en rajouter, pour tenter de donner raison à Sylvain Tesson lorsqu’il déclare que la France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer.
Il est, de plus, incontestable que les intuitions des fondateurs de la psychologie positive, il y a quelques décennies, sont aujourd’hui validées par les recherches sur le cerveau. Oui, nous avons en nous des ressources naturelles pour aller bien. Le meilleur médicament, c’est nous ! Oui, développer des pensées positives fait monter la kyrielle des neuromédiateurs du bien-être et des hormones positives, la sérotonine, la dopamine, les endorphines, l’ocytocine. En sens inverse, un emportement, une pensée noire, une émotion négative font risquer au mieux la mauvaise humeur, au pire l’infarctus ou l’AVC. L’optimisme est bon pour notre moral, pour notre santé aussi.
L’inventeur majeur de la psychologie positive, l’américain Martin Seligman, a fait réaliser une étude fondamentale par ses étudiants de l’université de Pennsylvanie sur le thème « Quelles sont, depuis la nuit des temps, dans toutes les religions, les cultures, les philosophies, les grandes valeurs et les forces de caractère qui fondent une vie meilleure ? » Vous y trouvez tout d’abord la sagesse, la curiosité, la créativité, l’ouverture d’esprit, le courage avec la persévérance, l’intégrité, la vitalité. Ensuite, l’humanité avec l’intelligence sociale, la bonté, l’amour puis la justice avec l’équité et la citoyenneté. Enfin, citons la tempérance ( la maîtrise de soi, la clémence, l’humilité) et la transcendance avec la spiritualité, la gratitude, l’appréciation de la beauté et de l’excellence.. et l’humour. Voilà de quoi, sans doute, réconcilier Luc Ferry avec la psychologie positive.
Concluons avec Spinoza, si cher à notre philosophe : « Si vous voulez que la vie vous sourie, apportez-lui d’abord votre bonne humeur». Au travers de nos manifestations, l’action de nos 50 délégués régionaux, nos conférences qui donnent la pêche, nous nous efforçons modestement de relayer cette maxime.
Thierry Saussez
Président de la ligue des optimistes de France
Crédits photo : © MEHDI FEDOUACH / AFP
Merci pour cette analyse positive, Thierry Saussez.
Mais pourquoi vouloir absolument réconcilier votre ami* Luc Ferry avec la psychologie positive ?
Chercher à convaincre l’autre est le meilleur moyen de le braquer ! N’oublions pas que dans « convaincre », il y a « vaincre », un mot guerrier.
De plus, il s’exprime dans le JDD, un journal dirigé maintenant par un patron et un rédacteur-en-chef d’extrême-droite.Est-ce le lieu idéal pour évoquer Spinoza, L´optimisme et la psychologie positive ?!?
* avec de tels amis, on n’a pas besoin d’ennemis ! 😉